Prise en charge

d’un pied bot varus équin

 

 Attention, je tiens à préciser que j'ai établi ce bilan en grande majorité à partir de ce que j'ai vu au cours d'un de mes stages. L'hôpital en question travaillait avec Robert Debré, qui privilégie beaucoup la rééducation et la contention souple aux plâtres successifs. Il parle aussi de réintégration astragalienne, notion que tous ne partagent pas. Pour certains, l'astragale ne se déplace pas, mais se déforme, puisque tous les os qui l'entourent, se déplacent engendrant des contraintes particulières sur elle.

 

I. Bilan.

1.  Dossier et/ou interrogatoire des parents.

Nom et prénom du bébé.

Age : schéma de flexion (0 à 3 mois, max. pendant 5 à 7 semaines), d’extension (3 à 6 mois, max. au 5e mois), marche. De plus, c’est pendant les 6 premières semaines que la réductibilité est la meilleure.

Pied bot idiopathique ou contexte neurologique.

Bilatéral ou non. Autre pied sain, ou avec une autre déformation. Luxation congénitale de hanche associée ?

Contexte familial :

- famille monoparentale (prise en charge demande beaucoup de temps), autres enfants à charge ?

- ce que les parents savent de ce problème.

- ATCD familiaux ?

- prise en charge dès la naissance ? Suivi régulier ? N’ont jamais raté aucune séance ? Est-ce que l’enfant a déjà été plâtré, opéré pour son pied bot ?

- est-ce que c’est un enfant hypertonique ? (permet de se faire une ID si l’enfant a l’air calme, ou dort).

- est-ce que le bébé dors sur le ventre ?

Radios : absence de divergence astragalo-calcanéenne.

            ® de profil : Normalement : l’axe du calcanéum est HT-AV, l’axe de l’astragale est BS-AV, on a donc un angle d’environ 45° à 50° vers l’AR.

                                 Dans le PBVE : l’axe du calcanéum est BS-AV, il n’y a plus d’angle, les axes sont parallèles. (l’angle peut même s’inverser parce que l’astragale s’équinise et s’avance)

            ® de dessus : · Normalement : l’axe du calcanéum s’aligne avec celui du cuboïde et du 5e rayon, l’axe de l’astragale s’aligne avec celui du scaphoïde et du 1er rayon.

                                     Dans le PBVE : l’axe de l’astragale s’aligne avec celui du cuboïde, alors que le 1er rayon va vers le DD. Les axes de l’astragale et du calcanéum se superposent donc, et il y a un angle entre l’astragale et le 1er rayon ouvert en DD.

                                  · Normalement : le corps de l’astragale a un axe AV-DH, tandis que le col a un axe AV-DD, ce qui forme un angle de 15° ouvert en DD.

                                     Dans le PBVE : cet angle est de 40° à 60°. 

2.  Inspection.

apprécier soi-même l’hypertonie de l’enfant : l’hypertonie est un facteur péjoratif, on n’a plus de difficulté à les rééduquer.

la peau :

- sèche, abîmée (notamment au niveau du pli de flexion de la cheville, et des endroits où on colle l’élasto., à cause de la pose de plaquette).

(- éventuellement cicatrices si intervention)

- surplus de peau postéro-externe : évaluer l’adhérence.

- pied gras et court ou long et maigre (dans le 2e cas c’est mieux car les prises et contre-prises seront plus faciles).

- sillons : noter leur adhérence et s’ils sont plus ou moins marqués :

® postérieur : Hz, signe l’équin et s’il est plutôt interne, le varus du calcanéum.

® médio-tarsien : vertical, en DD, signe l’ADD de l’avant-pied.

® médio-plantaire : pas toujours présent, signe le cavus de l’avant-pied.

 

Cotation

Test

Adhérence

0

Normal

1

Pli facile

2

Pli difficile

3

Pas de pli

Evaluation de l’adhérence (des cicatrices) d’après le score de Vancouver

 

pied :

- bord interne très HT et très concave.

- bord externe très BS et très convexe.

- plante du pied plus ou moins creuse.

sur le ventre, genoux fléchis :

- apprécier l’axe de l’arrière-pied par rapport à l’axe de la cuisse. (évalue l’adduction de l’arrière-pied).

- apprécier l’axe de l’arrière-pied par rapport à celui de l’avant-pied. (évalue l’adduction de l’arrière-pied).

- apprécier l’angle entre le plan des orteils et l’Hz. (évalue la supination, surtout de l’avant-pied).

mollet plus grêle, pied plus court que l’autre côté.

si pied bot bilatéral : il y en a toujours un qui est plus réductible, plus souple que l’autre.

si l’enfant marche, regarder comment il marche avec et sans ses chaussures.

3.  Palpation.

la coque talonnière est vide.

saillie osseuse de la tête de l’astragale à la partie antéro-externe du cou de pied, et juste en AR d’elle, de la malléole externe.

la malléole interne disparaît, parfois le scaphoïde est collé à elle. Sont-ils palpables ?

corde interne de l’adducteur de l’hallux, et plus en AR, du JP. Corde post. du tendon d’Achille, qui est toujours très court.

corde plantaire ? : rétraction de l’aponévrose plantaire responsable du cavus de l’avant-pied.

corde du JA ? : aggrave la supination.

4.  Réductibilité.

réductibilité passive des déformations : pour chacune à quel degré, certaines plus que d’autres ?

muscles sidérés ? : qualité de la réponse musculaire des LPL, CPL, ECO (avec pédieux et PA si existe).

5.  Conclusion de bilan.

prénom de l’enfant.

âge :  schéma de flexion, d’extension (nous gêne dans la rééducation car va dans le sens de l’équin), marche.

suivi depuis la naissance.

coopération des parents, et leur compréhension (position pour dormir de l’enfant).

peau : état, pli, sillon, adhérences.

quantification des déformations.

qu’est-ce qui est rétracté, certains plus que d’autres ?

réductibilité ?

qualité musculaire correctrice ?

 

II.      Traitement.

1.  Principes.

commencer par s’occuper de la peau.

il y a un ordre à respecter dans les mobilisations :

- mobilisations préparatoires à la réintégration astragalienne.

- réintégration de l’astragale.

- réduction des différentes déformations et étirements.

faire très attention dans les prises et contre-prises, pour ne pas risquer d’aggraver le vide talonnier, d’entraîner des luxations dans l’avant-pied….

tenir compte de la croissance et du degré de maturation de l’enfant (schéma de flexion, d’extension, marche, commande volontaire, jeu….),  et à partir d’un certain âge, de sa compréhension de sa pathologie.

tenir compte de l’hypertonie de l’enfant s’il y a.

tenir compte du ras-le-bol éventuel de l’enfant et/ou des parents.

2.  Objectifs.

éviter que la croissance n’entraîne des déformations des os, et donc un pied bot irréductible :

- maintenir la meilleure réductibilité possible.

- assouplir la peau et les muscles rétractés.

- renforcer les muscles correcteurs.

expliquer, rassurer, conseiller les parents si ça n’a pas déjà été fait, puis l’enfant au fur et à mesure qu’il grandira.

obtenir l’adhésion des parents et de l’enfant au traitement, éviter que la motivation diminue.

3.  Moyens.

la peau :

- si sèche ou abîmée,  on commence par l’hydrater (Cold creamâ, Biafineâ)

- adhérence : palper-rouler, pression-friction avec soin sur un bébé.

mobilisations préparatoires :

- décoaptation partielle de l’articulation astragalo-scaphoïdienne et réduction du cavus de l’avant-pied : étirement de l’aponévrose plantaire : se fait en flexion plantaire sans tenir compte de la position du calcanéum. La première main, empaume l’arrière-pied et les malléoles sans serrer, en maintenant l’ensemble fixé. La seconde prend l’avant-pied, les doigts venant se placer juste en avant de la malléole interne. La posture s’effectue, sans tentative d’abduction. On y associe des glissés profonds sur la voûte plantaire.

- correction partielle de l’adduction-supination de l’avant-pied (réduction de l’adduction du tarse antérieur / tarse postérieur : étire le JP et l’adducteur de l’hallux.) : l’avant-pied est porté en avant afin de prolonger l’étirement du JA et d’entamer celui du JP et des éléments capsulo-ligamentaires internes. La première main reste à sa place, la seconde vient porter le pied en abduction-pronation. On y associe des glissés profonds en AR de la malléole interne (JP) et le long du bord interne du pied (adducteur de l’hallux).

réintégration de l’astragale, qu’on maintiendra tout le temps à partir de maintenant. Pour se faire, on effectue des petites tractions-mobilisations de la médio-tarsienne, puis sur un pied en léger varus-équin permettant de bien situer la tête de l’astragale, on place le majeur sous  celle-ci et on amorce un début de dorsiflexion, en poussant doucement l’astragale vers l’AR et en HT.

réduction du varus-équin du calcanéum : on saisit le calcanéum avec le pouce et l’index, on l’abaisse en valgus, on étire donc dans le même temps le tendon d’Achille. Attention à être bien sur le calcanéum, pour ne pas aggraver le vide talonnier.

dérotation du bloc calcanéo-pédieux : on empaume le bloc calcanéo-pédieux d’une main (main mobile), et avec l’autre on maintient les malléoles et l’astragale (main fixe).

renforcement des muscles correcteurs :

- si bébé : stimulation par brosse à dent, trombone….

- si environ 1 an : assis, accrocher quelque chose à son pied (comme des clefs), sur le 5e orteil et lui dire de ne pas le laisser tomber.

- si ne marche pas encore : pose de plaquettes (cf 4. Détail sur la pose de plaquettes).

- si marche : ® idem qu’à 1 an.

                   ® ski : prisme de bois sur lequel on attache le pied de l’enfant, comme sur une plaquette. Pour des raisons pratiques, on en met un à chaque pied, même si c'est un pied bot unilatéral, et on le fait marcher un peu avec ça. On lui dit de bien lever les genoux, de relever les pointes de pieds.

                   ® on peut lui faire faire des flexions/ extensions de genoux en gardant une position corrigée des pieds, en gardant surtout bien des talons au sol. On peut en plus lui demander de relever les orteils. (Ca étire le tendon d’Achille).

                  ® posture pour tirer sur le tendon d’Achille : on surveille qu’il garde bien les genoux tendus, talons posés, et on joue avec lui dans le même temps.

conseils aux parents :

- ne jamais enlever la plaquette, sauf si la peau devient rouge, les orteils bleus….donc pour le bain, pour ne pas mouiller la plaquette, mettre un préservatif sur le pied (non-usagé, et non lubrifié, ça va de soi mais il est pourtant parfois nécessaire de le préciser).

- stimulation des muscles correcteurs en leur ayant montré, avec la plaquette c’est difficile, mais si en âge de ne plus en avoir, le faire très souvent.

- interdiction de faire dormir l’enfant sur le ventre : ça aggrave la déformation (aussi bien l’équin, que le varus et l’adduction).

- si c’est un bébé ne pas le laisser faire bravo avec ses pieds.

4. Détail sur la pose de plaquettes.

Préparer les bandes et couvrir la plaquette avec des bandes non-élastiques. (La plaquettes étant en plastique, ce n'est pas très confortable pour le bébé, et la peau respirerait vraiment mal). Ce sont des bandes non-élastiques: 3 courtes et larges, 1 fine et courte et 1 fine et longue.
Protéger la peau du bébé : on passe un peu de liquide Benjouin avec une compresse, puis on pose de l'élastomousse. (On prendra soin d'enlever les petits "boudins" qui se forment et qui risquent de créer des compressions).
Poser le pied sur la plaquette en position corrigée c'est à dire le bord interne du pied bien aligné tout droit le long du bord interne de la plaquette.
Tout en maintenant le pied sur l'astragale avec 3 doigts (pouce en dessous, majeur sur l'astragale) :

- On pose deux bandes larges sur l'avant-pied : la première va du DH vers le DD, pour aplatir la voûte plantaire, la seconde va du DD vers le DH pour corriger.

- On pose ensuite la bande fine et courte sur l'arrière-pied : elle corrige l'équin et le varus du calcanéum. Pour cela on prend la bande par le milieu qu'on pose en HT de la partie postérieure du calcanéum, puis on plaque le plus verticalement possible, en tirant bien sur la bande pour coller le talon à la plaquette.

- On pose ensuite la troisième bande large et courte, sur l'avant-pied, de DD en DH de façon à corriger l'adduction du premier rayon.

- On pose ensuite la bande fine et longue : on la saisit par le milieu qu'on pose en dessous et au milieu de la plaquette, elle croise sur l'astragale (pour maintenir la réintégration), passe derrière, au dessus du calcanéum, et se fixe à la plaquette, pour le brin externe vers l'AV (en direction du cinquième orteil), un peu moins en AV pour le brin interne (à peu près au niveau du scaphoïde).

- On peut désormais lâcher le pied.

On peut alors poser une bande élastique :

- Une petite bande fait le tour de DD en DH, on la "casse" au niveau interne et on la pose le plus en tension possible au niveau externe.

- Une bande plus longue va faire un rappel élastique : elle part de l'extérieur du pied, passe au dessus vers l'intérieur, repasse en dessous vers l'extérieur, puis remonte sur la jambe en mettant de la tension. On pose la bande sur le côté externe de la jambe de façon à placer le pied en pronation. On pose ensuite une bande semi-circulaire en haut de la jambe, de façon à fixer la précédente bande.